articles et bio

Sophie Pluen, "artiste émergente"

article sur L'Indépendant, 4mai 2022

Interview

Y a-t-il un mot qui représente votre travail ?

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Quels sont les artistes ou œuvres qui vous inspirent ?

Ils sont de divers univers, il n’y a pas un artiste en particulier. Dans les plus connus, je pourrais citer Camille Claudel, Marc Chagall, Kandinsky, Miro, Van Gogh, Frida Kahlo, Niki de Saint Phalle…

Cependant, je pourrais dire que j’ai été baignée très tôt dans le milieu artistique. Dans mon enfance, les arts de la rue ont embelli mes noëls en famille. Mes oncles, Jean-Lou Demet de la compagnie « Monteur de rêve » se transformait en Père Noël pour descendre l’église de Besançon en rappel, Hervé Demet de la Compagnie « Mime Demet » fabriquait des univers marins avec ses mains, tous deux originaires de Franche Comté, ils participent depuis des années à faire vivre cet art. Mon grand-père Henri Demet, durant les vacances d’été, nous amenait nous promener à Castelnou avec des carnets et crayons à la main. Puis dans mon adolescence, dans les Pyrénées Orientales, des artistes venaient chez nous. Nicolas Gonati pouvait interpréter la réalité avec un simple crayon, des aquarelles ou en détournant les objets en concepts. Un de ses amis, Jean-Philippe Roch me fascinait par ses œuvres d’art « primitif » aux couleurs et formes qui pouvaient me transporter dans un autre univers. Je me rappelle des soirées aux discussions sur le monde en alternance avec des moments de musique improvisée où tout le monde pouvait participer. Ces dernières années, j’ai été plutôt portée par le Théâtre d’improvisation social (Théâtre Playback ou théâtre de la répétition) dans la Compagnie Ricochet, fondée par Kathleen Olivier. Cette dernière m’a énormément soutenue dans tout ce que j’entreprenais au niveau artistique, que ce soit le conte, la marionnette, le clown, la danse et le dessin. Ma mère, Marie-Josée Demet, a été une source d’inspiration pour moi également. Tout en exposant mes premières œuvres dans mon enfance, sur les murs des différents appartements que nous avons habités, j’ai été témoin de son épanouissement de femme dans le milieu des arts de la rue (clown, marionnettiste, conteuse, plasticienne), tout en reprenant ses études vers quarante ans. Plus localement, je suis entourée de différents artistes engagés citoyennement comme Laura Tortosa Ibanez, avec qui nous intervenons via l’association « artistes solidaires » auprès des familles de migrants, Marco Grieser, un peintre remarquables dont les toiles sont pleines de vie, de pétillant, qui arrive à fédérer les gens d’univers différents. Et le milieu de la musique, Lucie Chillon, Monsieur Jacques, Prêle Abelanet, Morgan Boyer (Jump The Fence, la Compagnie à l’Improviste)… qui m’apportent beaucoup dans leur manière de transmettre leur énergie et qui participent également au festival « Yes Futur » pour soutenir les associations d’aide aux migrants.

Dessinez-vous depuis longtemps ?

J’ai retrouvé dernièrement des dessins de mon enfance, de mon adolescence, de ma jeunesse, que j’avais gardé enfermés dans un carton. En y réfléchissant, j’ai toujours dessiné. Le crayon dans la main, je griffonnais sur une page pour supporter parfois la réalité. Cependant, exposer est plus récent. C’est le regard de mon compagnon sur quelques-uns de mes dessins qui m’ont permis d’oser partager plus largement ma première série « pulsion de Vie ». J’ai été alors interpellée pour l’exposer en automne 2019 lors de l’événement « Vous allez dégustez » à Latour de France. Cette série est le fruit d’un travail sur plusieurs années.

Les rencontres que j’ai faites m’ont permis de « m’autoriser » à exposer mes œuvres. Le regard des autres, artistes et non artistes, touchés par mes modestes toiles, m’a libéré de cet empêchement à m’exposer. Ils m’ont donné le droit de ne pas rentrer dans le « moule ». J’aime l’idée d’être une artiste libre, sans être affiliée à une école, mais portée par l’Autre.


Un questionnement ?

Dans le cadre de mes recherches en psychanalyse, et donc sur l’Inconscient (au sens freudien), je me suis souvent demandée pourquoi je me retrouvais à mon insu (de mon plein gré ?), inter-médiaire dans les relations et souvent à la marge. Je me suis beaucoup intéressée aux « métacadres » selon R. Kaës (2012).

Comment arriver à nommer la violence, ou ce qui fait violence, sans répondre en miroir ? Je me suis souvent appuyée sur les contes, la mythologie, les marionnettes, le théâtre, le clown pour jouer les conflits internes des patients, des personnes accueillies ou des inter-relations accueillants-accueillis (moi y compris). Je me suis rendue compte que peu importe le médiateur utilisé, l’usage d’une médiation par le biais de mon corps ou de son prolongement (le dessin), permettais de transformer ces éléments négatifs, bruts en éléments humainement acceptables qui pouvaient convoquer et relier chacun d’entre nous. Série "Pulsion de vie" est née à la suite de réunions institutionnelles. Cette série a été exposée lors de l'évènement "Vous allez dégustez!" à Latour de France, en novembre 2019. 

L'objet "Brouillon de vie, le prix de la vie/ la cagette du soin", exposé à la Galerie Treize, 13 El Taller à Ille sur Têt, (du 3 au 7 mai 2022) est un objet transformé à partir d'événements douloureux vécus en institution. Il est témoignage d'une transformation suite à l'effraction d'événements douloureux, de la pulsion de vie, de la pulsion de liaison.

Durant le confinement, je n’ai pas pu extérioriser via le théâtre, j’ai eu beaucoup recours au dessin. C’était vital. Revenir du travail chargée des récits de vie des résidents en EHPAD (de 2019 à 2022), j'étais psychologue sur deux EHPAD), il me fallait évacuer et transformer. La charge était doublement forte du fait des angoisses massives présentes dans notre société et activées par ce trauma du Réel qu’a été le « Covid-19 » (objet "instant de poésie"). La série "Mélancolie" fait suite à différentes rencontres et événements traversés en cette période complexe, dans la sphère privée et sociale. Comme un nécessaire passage par la trace pour soutenir la pensée et l'écriture ensuite. Elle a ouvert sur une série de grands formats papiers et témoignent de la pulsion de vie, de l'élaboration de la position dépressive où le mortifère laisse place à la vie.

La deuxième série « femmes aux fleurs » est née d’un processus pluriel. Pour chaque représentation il y a un récit, voire plusieurs, voire des groupes qui m’ont inspiré une trace. Cette série a été exposée lors de l'événement "Vous allez déguster!" à Latour de France, le 7 novembre 2021. Deux de cette série sont présentés à Rodes.

2023 et 2024 s'amorce une série sur toile où se projette des scénettes de l'intime, des histoires d'amour, où parfois le tragique ou le comique s'invitent.

 Certains objets artistiques ont été transformés après des échanges avec des amis, des artistes de différents horizons. Je pourrais presque dire que mes œuvres sont du domaine public. L’important pour moi est de prendre le risque de "m’exposer" au regard de l’autre et de recueillir les effets. C’est pourquoi, nous réfléchissons, avec d’autres artistes, à créer de micro-événements cet été qui pourraient être un moment d’exposition (10 juillet 2022, à Estagel: projet de culture participative avec Guillaume Pelican et Nathalie Desmarest). En parallèle, je suis souvent partante pour participer à des créations collectives comme le projet "témoignages d'exil": recueil et transformation à partir de récits de vie de réfugiés (en soutien à l'association Germà) avec Kathleen Olivier (2023), projet mail-art avec le Laboratoire Artistique Contemporain des Fenouillèdes et l'Atelier Solidaire (partenariat 2023), les 13 ans de El Taller Treize à Ille sur Têt (série les coquineries, 2023) et aujourd'hui avec Steph Marx à Rodes ("Le désir..." avril 2024). A ce travail s'ajoute celui de créations poético-sonores avec le duo Tiroir Tiroirs et le projet Blues Primal où la trace est également invitée (2023-2024).





Participation collective automne 2023:
(les coquineries)



Participation à la nit de la poesia à Ille sur Têt 
Avec Tiroir Tiroirs 


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