des maux aux mots


La grâce


Se laisser traverser par les sonorités de la vie urbaine et s'attarder sur la diversité des voix qui nous invitent au voyage.
Être là, être loin à la fois.
Quelques notes volent et m'entourent un instant, dans le gris de cette journée citadine.
Je songe à la volupté de nos moments partagés, à l'abri du majestueux olivier où l'on y devine le bleu éclatant du ciel méditerranéen. Apparaissent timidement les bourgeons des jeunes figuiers, observant la grâce du printemps arrivant. 
Les fleurs de l'oranger embaument mes pensées, le vert tendre des feuilles du citronnier s'impose au schiste environnant. Et toi, tu cours comme un enfant, guettant avec précision la moindre vie sur ce jardin en manque... d'eau.
Le thym, le romarin, les pins trouvent malgré tout leur place. 
Tes mains caressent alors les arômes de ce territoire aride comme elles caressent les courbes de mon corps plein de désir. 
Tu gouttes la générosité de tes arbres fruitiers comme tu savoures la pointe de mes tétons frissonnant. 
J'ouvre les yeux, la pluie effleurant mes joues aventureuses, à Paris.
Être là, être loin à la fois.
Sophie Pluen
SoF
Mars 2024

Quand ton regard se pose

Sur les petites choses
Que le temps se suspend
Un instant
Avec le vent
Et laisse place
À la poésie de la vie
Même si certains souvenirs
refont surface
Ils ne deviennent que soupirs
Et tu respires
Enfin
Le coeur plein
D'amour et de tendresse
Tu caresses le monde
Et tu transformes l'immonde
Sereinement, tu vis

(Novembre 2023)

Le temps qui passe...
Nous traverse
L'épreuve du temps
Nous rappelle par moment 
Que nous ne sommes éternels
Au loin se dessinent 
Les lignes de la vie
Cassures, brisures, courbes 
Les chemins se croisent
Entre mouvement et ennui
Alternance des phases
Entre douce mélancolie
Et magie de l'instant
J'avance sans bruit
Tout en, parfois, criant
Puis je souris
Et je m'élance doucement 
Je danse avec le vent
(28 octobre 2023)

Bruissement lyonnais 

Regarder la ville autrement

L'entendre gronder, respirer

Le rythme te prend,

Le pas s'accélère, 

Est-ce la cadence de la vie de la ville ou la fuite de la déshumanisation ?

Sous quel prisme la regarder?

Se poser et réfléchir sur le monde

Où la destructivité et la créativité coexistent,

Quel rôle avons-nous à jouer ?

Avons-nous vraiment le choix ?

Sommes-nous condamnés, pauvres humains, à nous autodétruire?

Résister, créer, tenir,

Est-ce encore possible ?

Rêver, en avons-nous encore la possibilité ?

Fascinée, je peux être devant la beauté du Rhône qui masque les multiples conteners,

Je contemple la froideur de ce système, après avoir bu plus d'un verre,

Mon silence fait place au vrombissement des véhicules qui défilent,

Je finirai par m'endormir, à plat sont mes piles

Bercée tout de même

Par la répétition bruyante de ce système

Septembre 2023


Quand la haine t’effleure. 

 

Quand la haine, la haine, la haine 

La haine t’effleure, t’effleure, tes fleurs, tes fleurs fanent. 

Quand la haine t’effleure, tes fleurs fanent. 

Tes fleurs, dans le jardin, se meurent. 

Se meurent, dans le jardin, tes fleurs quand la haine t’effleure. 

T’effleure, dans le jardin, la haine de tes fleurs. 

La haine de tes fleurs se meurt dans le jardin. 

La haine de ton jardin fait faner tes fleurs. 

Quand la haine t’effleure, 

Quand la haine 

Quand la haine de tes fleurs t’effleure dans ton jardin, tu meurs. 

SoF 



 


Couloirs 

 

Dans les couloirs de l’hôpital, les taches sur les murs, dégoulinent. 

Le crachat s’invite sur le sol, la raclure, l’ordure, le déchet.  

Un coup de pied dans la merde. La merde, tu la sens? Elle est là, la merde. 

Et moi, je suis où moi? Mon Moi est passé où? Il est là? Dedans, dehors, hors de moi? Je suis hors de moi dedans ces murs. Et ça pue. Je suis dans la merde moi, là. Tu pues, je pue, nous puons tous dans cette puanteur. 

Les crachats, les crrrrrrachats. 

Les crrrrrrrrachchchchchats. BeurK, les crachats beurkkk. 

Je suis où moi? Je suis là pourtant, mais moi, je suis pas dans moi. Je suis dans l’univers, mon moi est dans l’univers, tout là-haut, loin. 

Mon Moi de 18 ans s’est perdu en psychiatrie. Mon Moi de 18 ans, s’est perdu. Je suis pas perdu Moi. Mon Moi de deux ans, il est là. Il attend le biberon. C’est comme le café. 

Madame la psychologue, je peux boire le café avec vous, comme un premier biberon. Je suis content. Comme un premier biberon. 

Mon Moi de 18 ans, il était beau. 

CRrrrrrrrachat. Beurk. J’ai le sourire, madame, boire un café avec vous madame c’est comme un premier biberon. 

Mon Moi, il est là-dedans, mais dehors maintenant, enfermé par les murs. 

SoF 

MMSE 

Déambulations, mouvement, déambulation, mouvement. 

Déambulation, déambulation. Mouvement, avancer, stop. Reculer, stop. Avancer, s’arrêter. Rencontrer. Ren-contrer 

Dire bonjour, dire bonjour, dire bonjour. Demander quel jour on est. 

Quel jour sommes-nous? 

Quelle année? 

Quel étage? Quel département? 

Bonjour! Quelle jour sommes-nous? Quel jour sommes-nous? Quel jour sommes-nous? 

J’ai buggé 

Mon cerveau a explosé.  

 





Placard. 


Un beau matin d’hiver, l’air frais caressait mes joues. 

Mes poumons étaient remplis d’air, ma tête pleine de lectures, mon cœur d’amitié. 

Le sourire était invité sur mon visage. 

Un beau matin d’hiver, au travail. 

Un beau matin d’hiver, j’ouvre la porte de mon bureau, ma tête pleine de lectures, mon cœur d’amitié. 

J’ouvre la porte de mon bureau, un manteau ne m’appartenant pas était posé sur mon fauteuil, mon bureau était déplacé. 

Un beau matin d’hiver, j’ouvre la porte de mon bureau au travail, et ce n’est plus mon bureau, tout a été déplacé. Mon cœur était plein d’amitié, ma tête pleine de lectures. 

Quand je suis arrivée au travail, j’ai ouvert la porte, et puis je l’ai refermée. 

J’ai refermé la porte de mon bureau qui était occupé par un manteau que je ne connaissais pas. 

Un beau matin d’hiver, au travail, j’ai ouvert la porte de mon bureau, puis je l’ai refermée. Une dame m’a annoncé que mon bureau était occupé, mes affaires étaient déplacées. 

Un beau matin d’hiver, l’air frais caressait mes joues, j’avais la tête pleine de lectures, mon cœur était plein d’amitié. 

Dans le placard, mes affaires avaient été déplacées. 




 

Male-entendu 


  • - Alors ? Tu restes ? 

  • - Veux-tu me serrer dans tes bras? 

  • - T’es trop près, on se voit à un autre moment ? 

  • - Et là, je suis bien, là  

  • - T’es où ? Je te vois plus, t’es trop loin ! Reviens ! 

  • - Vas-tu me serrer dans tes bras ? Passer tes mains sur mon corps plein de désir?  

  • - Viens-là bella.... Ahhhh J’ai peur, va-t-en !  

  • - Veux-tu ma langue sur ton pénis? C’est ce que veulent les hommes, non?Sens-tu mes mains effleurer tes cuisses?  

  • - Tu me colles trop, mais reste dans mes bras ! 

  • - Sens-tu mes lèvres chaudes gonflées et humides? Les vois-tu? 

  • - Garce, que t'es bonne...... Ahhhhh J’y arriverai pas ! Eloigne-toi ! 

  • - Tu me fais des papouilles dans le dos alors? 

  • - Tu m’en demandes trop ! 

  • - Et là, ma langue sur ta bouche entrouverte? Et ma langue dans ton oreille? 

  •  (ajustement des corps)

  • - Et là, tu la sens entrer en toi doucement? Alors? Ça vient? 

  • - Mets tes mains sur ma taille, et fais-moi vibrer! Vas-y!!! 

  • - Alors, ça vient? 

  • - Encore un peu, vas-y! Encore!!!! 

  • - Ça va venir!!!!!! 

  • - Encore un peu, vas-y encore! Ça vient! 

  • - Zut... 

 




Alzheimer 1


Murmures, entre les murs, fantômes du passé, morts oubliés, mémoire réveillée.  

Chuchotements, ombres qui me suivent, et me murmurent les exils, la Retirada, les enfants morts, les parents perdus, les maisons brûlées, l’usine explosée. 

Murmures, entre les murs, se faufilent à bas bruit, les fantômes du passé. Les cadavres sortent du placard, et témoignent enfin à l’oreille qui écoute.  

"Il est où mon enfant? Il est mort."

"Elle est où maman?"

"Mes valises, refaire et défaire mes valises. J’ai plus ma carte d’identité! Elle est où? Ils me l’ont prise. Je n’ai plus ma carte d’identité! Qui je suis? Je ne me rappelle plus qui je suis.

Murmures entre les murs, exil. Elle a passé la frontière, avec une seule valise. 

Elle fait et défait sa valise, chaque jour.

Alzheimer 

Elle a passé la frontière, avec une seule valise, on lui a pris ses papiers. 

En EHPAD, on retire les papiers.




Alzheimer 2


- Elle s’appelle comment? Que faisait-elle dans la vie? Qu’aimait-elle? 

- Doliprane, poids, température, constantes?  

- Elle a combien d’enfants? Elle a un mari? Elle a aimé? 

- Poids, température, constantes? Biologie? Doliprane. 

- Elle a des amis? Elle avait une activité? Une passion? 

- Poids, température, examens, radios, Doliprane. 

- Elle aime la musique? Et qu’aime-t-elle manger? 

- Poids, température, tension, glycémie, sans sucre le doliprane. 

- Elle aime la poésie? Les films? La peinture? 

- Poids, température, appareils auditifs, doliprane. 




Contamination psychique

 


J’ai mon corps qui a gelé au travail. 

J’ai laissé mon corps au travail, ma tête est pleine d’histoires. 

Ma mâchoire est serrée, mon corps n’a plus de peau pour m’envelopper, j’ai besoin de tes bras. 

Mon corps a refroidi au travail. 

J’ai envie de tes bras autour de moi, sentir tes mains dans mon dos pour me rappeler que j’en ai un. J’ai envie de sentir ta peau contre la mienne pour me rappeler que j’en ai une. Une peau qui me recouvre tout entière. 

Peau contre peau. 

J’ai mon corps qui a gelé au travail. 

Tes bras autour de moi, ta bouche qui dépose un baiser sur mon épaule. J’ai des épaules, je me rappelle, grâce à toi. 

Tes mains, qui caressent mon dos, ma taille, mes hanches, mes cuisses, ma tête, me font réapparaître.  

J’ai failli disparaître au travail. 

Tes mains dans mes cheveux rassemblent mes pensées. 

J’ai laissé mon corps au travail, réveille-moi ! 

Frotte bien fort dans mon dos pour me réchauffer, j’ai froid ! 

J’ai mon corps qui a refroidi au travail. 

Mon corps s’est gelé quand j’ai entendu son histoire se déposer dans le creux de mon oreille. 

Réchauffe-moi! 

J’ai laissé mon corps au travail, j’ai peur de le perdre à tout jamais. 

Rattrape-moi s’il-te plaît! Agrippe tes mains à mon corps et ne le laisse pas partir trop loin! Frotte bien fort s’il te plaît. 

Il est où mon désir? Il s’est envolé? Réchauffe-moi encore! Vite! Réveille mon corps. 

J’ai mon corps qui s’est gelé au travail. 

Serre-moi bien fort que je sente ton corps contre le mien. Que je puisse parcourir et sentir le tien. 

Que je sente à nouveau mes seins frissonner, ma vulve gonfler de désir! 

Que je sente à nouveau l’envie d’être pénétrée, sentir la chaleur de ton sexe en moi et me faire sentir exister. 

J’ai mon corps qui s’est gelé au travail, j’ai eu peur. 

Fais-moi jouir, que je sente comment je suis vivante contre toi. 

J'ai eu peur de mourir au travail. 




La courageuse patiente


Image de l'eau, la mer

                                                La tête hors de l'eau

                                                                  mer agitée légèrement

Le ciel est gris, menaçant

                                         Elle nage péniblement, garde le rythme de la brasse,

Et par moment,

    se prend quelques tasses


Au loin l'horizon, devant

                             

                                 derrière, quelques petites maisons

                                         

                                                        Elle nage péniblement

Garder le rythme

                                                            jusqu'à la côte, en face,

Les vagues s'agitent, l'emporte

                                                                    parfois.


Elle sort la tête de l'eau, respire

                                                                à nouveau.

Elle tient bon.


Le silence des autres, absents

                                                    laisse place au bercement des vagues.

                                        Elle nage péniblement

Elle a la rage.


                                Peur ou douleur?

Poitrine en flamme

                                    Vaincre la terreur

                                                                    Sauver son âme

Elle nage, encore et encore.

                                                Ne surtout pas regarder derrière.

                                                                                                   Fermer les yeux

Retenir sa respiration

                                        et.... continuer à avancer

la tête hors de l'eau

                                sauver sa peau

Aller de l'autre côté


Courageuse, elle fuit

                                Courageuse, elle vit.

Même si les larmes coulent

                                                    Même si sur elle, la mer roule

                                                                                                        Elle TIENT

            Elle continue son chemin

                                                                                          Comme un marin

Sur la mer de la vie

                                            Elle nage, péniblement

Est-ce ça, sa vie?

                                                                                     Y parviendra-t-elle?

            

            Ouvrira-t-elle enfin ses ailes?





Empêchement


Quand ça résiste

Quand ça persiste

Et pourtant l'eau

coule toujours sur elle

Et lui qui se croit éternel

Lui qui fait le beau

Se pense plus fort

Il a bien tort

Elle, digne, se relève

En elle, circule la sève

La vie

Vis!



 

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